Présentation de l’orateur : Alain Ingberg : professeur de mathématiques au Maroc (en coopération) de 1967 à 1969 ; chef de groupe au BHV (Bazar de l’Hôtel de Ville) de 1969 à 1975 ; directeur général chez Delsey de 1975 à 1976 ; directeur général et associé chez Plicosa (importation des pays de l’Est et de l’Asie) de 1976-1997 ; dirigeant de Nikko France depuis 1997 ; il devient aussi en 2000 président de Meccano.
N. B. : Meccano a été finalement vendu au groupe canadien Spin Master, ce qui a permis à la fois la sortie du fonds 21 Central Partners et d’obtenir des moyens supplémentaires pour faire connaître ses produits.
Meccano‚ créé dans les années 1900 par Franck Hornby‚ fait rêver les enfants du monde entier jusqu’à l’arrivée des jouets en plastique et de l’électronique. La marque commence alors à décliner et elle est mise en redressement judiciaire en 2000. Alain Ingberg et Michaël‚ son fils‚ voyant passer l’annonce dans la presse‚ s’enthousiasment pour le potentiel de notoriété de la marque. Ils convainquent Nikko‚ dont Alain Ingberg est le partenaire en France et en Espagne‚ de les accompagner dans l’aventure. C’est ainsi que s’engage une épopée qui se déploie sur plusieurs fronts : commercial‚ par un accord majeur avec le marché américain et par un développement à la fois ambitieux et prudent sur tous les continents ; industriel‚ avec une relocalisation dans l’usine historique de Calais ; et sur le front de l’innovation‚ avec la création de nouveaux produits‚ sans perdre de vue la tradition de la marque‚ défendue par des centaines d’ouvrages et de clubs de fans. Retour sur une aventure trépidante.
La société qui est à l’origine de Meccano a été créée en 1898 par un Anglais, Franck Hornby. Il avait observé les grues travaillant sur le port de Liverpool et voulait offrir à ses enfants la possibilité d’en construire de petites reproductions. Au départ, la société s’appelait Make it easy. Elle n’a pris le nom de Meccano qu’en 1902 et elle est rapidement devenue très prospère. L’usine de Liverpool a compté jusqu’à 1 400 ouvriers, ce qui en faisait à l’époque la plus grande fabrique de jouets au monde. Hornby a créé une filiale enAllemagne et une en France. Cette dernière s’est d’abord implantée à Belleville, puis à Bobigny, avant d’opter pour Calais en 1959.
À partir de la fin des années 1950, l’usine de Liverpool a connu une forte décroissance. Dans les années 1970, toutes les activités ont été rapatriées à Calais. Aujourd’hui, il ne reste plus à Liverpool qu’un musée consacré à l’histoire de Meccano. Dès les années 1970, l’entreprise a été confrontée à la concurrence de Lego puis de Playmobil. Ses dirigeants n’ont pas su voir l’intérêt du nouveau matériau qu’était le plastique. Meccano a été racheté en 1990 par Dominique Duvauchelle, le même qui avait mené les fusions-acquisitions du groupe Bouygues. Il a globalement bien géré l’entreprise, mais a commis deux grosses erreurs. En 1996, le groupe Mattel était prêt à débourser une somme très importante pour racheter Meccano. Dominique Duvauchelle a refusé, souhaitant que la transaction se fasse un peu plus tard, et l’entreprise américaine a refusé de reporter l’échéance. Sa deuxième erreur a été d’accorder au distributeur spécialisé Toys “R” Us une exclusivité sur l’ensemble des États-Unis. Ce pays est le principal marché de Meccano après la France, et les produits y sont vendus sous la marque Erector. Walmart, autre géant américain de la distribution, voulait aussi vendre des produits Meccano, mais Dominique Duvauchelle a préféré réserver l’exclusivité à Toys “R” Us. Walmart en a alors fait fabriquer des copies et a fait en sorte que Toys “R” Us ne puisse plus écouler ceux qu’il avait achetés, ce qui a obligé Erector à racheter une grosse partie des stocks. Cette affaire a mis Meccano en grave difficulté.
À l’époque, nous dirigions Nikko France, une entreprise de jouets spécialisée dans les voitures radiocommandées, pour laquelle j’avais commencé à travailler en 1977. Le groupe Nikko devait sa prospérité au fait qu’il avait été le premier à s’implanter à Singapour, l’un des deux pays avec Macao à pouvoir exporter des jouets vers la France sans aucune licence. En 1999, nous avons appris que Meccano était menacé d’un dépôt de bilan et nous avons commencé à nous renseigner sur cette entreprise pour la faire racheter par Nikko. Il nous paraissait judicieux de chercher à couvrir l’ensemble des jouets garçons, c’est-à-dire à la fois les jeux de construction et les jouets à radiocommande. La société Meccano était alors détenue par un fonds qui ne la gérait pas de façon très rigoureuse. Nos experts-comptables nous ont déconseillé cette opération. C’est seulement quand la société s’est retrouvée au tribunal de commerce que nous avons décidé de faire une offre. Nous avons été choisis, entre autres, parce que nous nous engagions à reprendre tout le personnel. La vente a été conclue en mai 2000. Au bout de deux ans, le groupe Nikko, qui m’avait aidé à racheter Meccano et détenait 80 % des parts, a décidé de se retirer car il ne voyait plus très bien l’intérêt de cette participation. Un industriel chinois souhaitait entrer au capital, mais je voulais l’éviter à tout prix. Nous avons réussi à convaincre 21 Centrale Partners, la société d’investissement du groupe Benetton, de reprendre 49,5 % des parts. Mon fils et moi-même sommes devenus majoritaires à 50,5 %.
Nous avons commencé par relancer Meccano sur le marché français, où l’entreprise était en très mauvaise posture. À l’époque, Nikko couvrait 75 % du marché du jouet radiocommandé en France, ce qui nous a facilité les choses. Les grands distributeurs tels que Leclerc, Carrefour, Auchan, nous connaissaient et nous ont fait confiance. De plus, ils ont échelonné les remises de fin d’année que leur devait la société Meccano dans le cadre du système initié par la loi Galland. Les distributeurs nous ont ainsi accordé un délai de paiement.
En 2005, nous avons décidé de moderniser l’usine de Calais, en particulier pour automatiser la mise en sachet des jouets, effectuée à la main par une cinquantaine d’ouvrières. À l’époque, le maire de Calais et les collectivités locales nous ont aidés pour faciliter la modernisation de l’usine et le départ de ces cinquante ouvrières. Nous avons investi 6 millions d’euros dans de nouvelles machines et un nouvel entrepôt.
Dans le même temps, nous avons délocalisé une partie de notre production en Chine, essentiellement dans le but de faciliter nos ventes vers les États-Unis, l’Australie ou la Nouvelle- Zélande. Dans ces pays anglo-saxons, nos produits ont généralement beaucoup de succès, mais leurs distributeurs ne sont pas bien équipés pour acheter en Europe. Walmart, par exemple, a un seul acheteur pour toute l’Europe, basé en Hongrie, alors qu’il possède une très grosse centrale d’achat à Shenzhen… Plutôt que de créer une usine en Chine, nous avons fait appel à des sous-traitants dont certains travaillaient en majorité pour nous. Nos ingénieurs et nos responsables techniques s’y rendent régulièrement pour s’assurer que la qualité est la même que dans notre usine de Calais.
Dès 2000, nous avons cherché à redynamiser la production et à renouveler les collections. À partir de 2007, comme l’entreprise tournait bien, nous nous sommes également aventurés dans un certain nombre de diversifications, en particulier dans la robotique. Nous avons créé un petit robot de présence, le Spykee : grâce à une puce électronique et à une application informatique, ce robot de “téléprésence” permettait de surveiller une maison à distance. Les distributeurs américains l’ont trouvé révolutionnaire et nous en ont commandé de grandes quantités. Mais nous avons joué de malchance. Le fabricant de la puce électronique, un taïwanais, n’a pas réussi à nous la livrer à temps pour que nous puissions placer le produit dans les magasins pour Noël 2007. Nous n’avons été prêts qu’en avril 2008, exactement au moment où la crise financière a éclaté. Les distributeurs américains ont annulé leur commande et nous nous sommes retrouvés avec d’énormes stocks d’invendus. Comme nous avions financé l’opération sur nos fonds propres, cela a été un coup très dur pour nous.
Nous avons décidé de revenir au métier initial de Meccano. Aujourd’hui, nous sommes sur le point de lancer une nouvelle collection appelée Évolution : elle est compatible avec toutes les pièces Meccano fabriquées depuis l’origine, qui sont caractérisées par un écartement d’un demi-pouce entre deux trous, mais elle ajoute un trou intermédiaire et double ainsi le nombre de trous, ce qui permettra de concevoir des modèles beaucoup plus réalistes qu’avec les Meccano classiques.
Nous avons également décidé de rapatrier progressivement notre production en France. La collection Évolution, par exemple, sera entièrement produite à Calais. Plusieurs raisons nous y ont poussés. La première est que fabriquer en Chine coûte de plus en plus cher. Le prix de la main d’œuvre augmente d’environ 20 % chaque année. Les frais de transport sont également en hausse, car les fabricants de jouets, auparavant situés dans la région de Shenzhen, sont progressivement refoulés vers le nord. Le gouvernement chinois souhaite en effet que cette région se spécialise dans des industries plus nobles, de type électronique et hautes technologies. Tous les pays asiatiques émergents suivent la même évolution : ils commencent par produire des chemises, des bagages, des jouets, puis passent aux téléviseurs et à l’électronique et ne veulent plus entendre parler des productions précédentes. C’est pourquoi il devient de plus en plus difficile de trouver des sous- traitants de jouets compétitifs. Nous avons calculé qu’en rapatriant une partie de la production dans notre usine française, nous améliorerons la rentabilité de notre usine qui n’était alors pas saturée. Nous gagnerons aussi en réactivité. Quand nous passons commande en Chine, nous devons le faire dès le mois d’avril et en grosses quantités.Aucun changement n’est possible ensuite. À Calais, nous pouvons répondre à une commande imprévue et changer de production du jour au lendemain. Enfin, nous nous sommes rendu compte que le critère du fabriqué en France commençait à entrer dans les esprits et à avoir un impact sur les choix des acheteurs et des consommateurs. De grands distributeurs comme Auchan, La Grande Récré, JouéClub, Système U, ont par exemple décidé, pour la fin 2013, de mettre en avant les sociétés françaises de fabrication de jouets. Pour contribuer à promouvoir la filière, nous avons créé une coordination des Fabricants français de jouets qui réunit la dizaine d’entreprises qui existent encore.
Le principal problème auquel nous nous heurtons est celui du financement. Certaines entreprises de l’industrie du jouet sont très rentables. Les performances de Lego, par exemple, font rêver. Les banquiers sont cependant réticents à prêter de l’argent aux fabricants français de jouets, en raison d’un certain nombre de spécificités propres à notre industrie. Or, nous avons justement besoin de financements très importants. La R&D Nous devons, tout d’abord, nous renouveler en permanence : aucun enfant ne veut se faire offrir le même jouet trois années de suite. Le taux de renouvellement est pratiquement le même que dans le secteur de la mode, ce qui nécessite des efforts de recherche et développement (R&D) considérables.
Pour vendre les jouets, on peut tenter de s’appuyer sur les prescripteurs que sont les parents et grands-parents, ce qui fonctionne assez bien dans le cas de Meccano. Nous avons à plusieurs reprises conçu des campagnes publicitaires à destination des adultes. La dernière en date soulignait que les enfants sont très agiles de leurs deux pouces mais qu’il serait souhaitable de les rendre habiles de leurs dix doigts et que, pour être capables de monter des meubles suédois plus tard, il était prudent qu’ils commencent par s’entraîner avec Meccano. Cela dit, il est beaucoup plus efficace que les enfants réclament eux-mêmes le jouet à leurs parents. Pour cela, il faut leur montrer le jouet le plus fréquemment possible à la télévision. Lego France investit 11 millions d’euros par an dans la publicité télévisée. Nos propres dépenses de publicité représentent au maximum 600 000 à 700 000 euros par an. C’est insuffisant pour que nous soyons vraiment visibles. Le risque d’échec Face à ces investissements importants, la nécessité de renouveler les jouets chaque année s’accompagne d’un risque d’échec non négligeable, ce qui n’est pas de nature à rassurer les banquiers.
Même en cas de réussite, le succès est généralement fugace. Le meilleur moyen de faire fortune dans le jouet est de réussir à imposer un objet de petite taille dans les cours de récréation. Si les enfants l’adoptent, on peut en vendre des quantités vertigineuses. Mais ils s’en désintéressent tout aussi rapidement. Il y a quelques années, un entrepreneur a imaginé un jouet appelé Bakugan. C’était un petit objet rond ; quand l’enfant le jetait par terre, un petit personnage en jaillissait. En une seule année, ce fabricant en a vendu des millions. Au bout de trois ans, le marché s’est effondré.
Une autre grande spécificité de cette industrie est d’être essentiellement saisonnière. C’est particulièrement vrai dans notre cas : 75 à 80 % des jouets Meccano sont vendus en fin d’année. Lego et Playmobil sont capables de vendre toute l’année des petites boîtes peu onéreuses (des “sèche-pleurs”), mais nous ne pouvons rien proposer dans la gamme Meccano pour quelques euros. Nos boîtes sont donc presque exclusivement achetées en fin d’année. En revanche, nous devons payer les ouvriers chaque mois. Les banquiers n’apprécient guère ce modèle économique, qui leur paraît très risqué.
Certains considèrent que l’industrie du jouet est, de toute façon, condamnée à brève échéance et va disparaître au profit des tablettes et autres consoles de jeux. J’ai demandé un jour à un banquier, père d’un fils de huit ans et d’une fille de sept ans, s’il imaginait fêter Noël sans mettre aucun jouet sous le sapin. Il a convenu que non. Je lui ai répondu que dans ce cas, tout espoir n’était pas perdu pour notre industrie. Incontestablement, les enfants jouent de plus en plus avec des appareils électroniques, mais ils continuent d’avoir besoin aussi de “vrais” jouets, avec lesquels ils puissent construire quelque chose de palpable et inventer des histoires à eux. Il y aura donc toujours des jouets au pied de l’arbre de Noël. Si ce n’est pas du Meccano, ce sera autre chose, mais de temps en temps du Meccano également.
Aujourd’hui, Meccano emploie 80 salariés, dont un peu plus de la moitié dans la fabrication. La production, la R&D, le marketing et la comptabilité sont basés à Calais. Seule l’équipe de vente, la direction commerciale et les finances sont basées à Paris. Notre chiffre d’affaires est d’environ 35 millions d’euros. Nous avons perdu un peu d’argent en 2012, notamment parce que plusieurs pays où nos ventes étaient très bonnes ont été touchés par la crise, comme l’Angleterre, la Grèce, l’Espagne, le Portugal, le Mexique. L’année 2013 devrait être meilleure, en particulier grâce à la nouvelle collection Évolution et à la sortie du projet Lapins Crétins, dont nous avons obtenu la licence auprès d’Ubisoft. Il s’agit de construire des objets en Meccano avec un lapin dedans. Le slogan de Meccano pourrait être : « Si tes parents ne veulent pas t’offrir une grue, un chien, une moto, construis les toi-même. » France 3 diffusera en fin d’année un grand nombre d’épisodes des Lapins Crétins. Le produit aura donc une bonne visibilité et, par ailleurs, il sera entièrement fabriqué à Calais, comme désormais les trois quarts de notre catalogue.
Le fabriqué en France fonctionne-t-il aussi bien auprès des Allemands qu’auprès des Français ? Ce n’est pas vraiment une référence pour les Allemands... D’une façon générale, les Allemands achètent des produits allemands. J’ai eu l’occasion de m’en rendre compte lors de la foire aux jouets de Nuremberg, la plus grande foire de ce genre au monde. Le parking est immense et l’ami français qui nous avait proposé de nous raccompagner à l’hôtel ne se rappelait plus dans quelle allée il avait rangé sa voiture. Il a été relativement facile de la retrouver car c’était la seule voiture française parmi des centaines de voitures allemandes… Si l’Allemagne est le premier marché au monde pour Lego, c’est seulement parce que les Allemands croient qu’il s’agit d’un produit de chez eux. Pour une raison mystérieuse, ils n’ont jamais pris conscience qu’il s’agissait d’une marque danoise.
En quoi consiste la R&D dans le domaine du jouet ? La force d’entreprises comme la nôtre ou comme Lego, c’est la permanence du produit de base. Il faut, certes, renouveler les boîtes et trouver des modèles originaux, mais l’élément de base ne change pas : c’est toujours du Lego ou du Meccano. La R&D peut porter sur le matériau, les modèles d’objets ou le design. Nous avons essayé d’innover sur le matériau, avec un métal à mémoire de forme, qui reprenait instantanément sa forme initiale. Mais les clients n’y prêtaient pas vraiment attention alors que ce matériau coûtait nettement plus cher. Dans le jouet, les gens ne sont pas prêts à payer pour ce type d’innovation.
Nous avons un club d’un millier de fans, composé notamment d’architectes. Ce Club desAmis du Meccano édite chaque trimestre une revue dans laquelle sont présentés des objets extraordinaires réalisés par les membres du club. Nous leur fournissons gratuitement les pièces et, lorsque nous organisons une exposition, ils nous prêtent quelques-unes de leurs réalisations. À la fin de cette année, nous allons inviter des enfants des écoles à venir, avec leurs professeurs, réaliser des montages dans des salles de l’ancienne agence du Crédit Lyonnais du centre ville de Calais. On peut citer également le Challenge Meccano organisé en région Nord-Pas-de-Calais par l’UIMM Industries technologiques, en partenariat avec l’Éducation nationale. Des collèges volontaires reçoivent des boîtes de Meccano et doivent inventer des modèles qui ne figurent pas encore au catalogue Meccano. Ces modèles seront présentés dans quelques jours et les gagnants seront récompensés.
Les ventes se font à 45 % chez des spécialistes comme La Grande Récré, JouéClub, Toys “R” Us, Picwick, et à 40 % dans des hypermarchés. La vente sur le web est en train de se développer à grande vitesse. Amazon ne représentait que 3 à 4 % des ventes de jouets il y a encore un an. Aujourd’hui, sa part est d’environ 10 % et risque d’atteindre beaucoup plus à la fin de l’année. Dans des pays comme l’Allemagne et l’Angleterre, l’évolution est encore plus forte : le commerce électronique représente déjà de 20 à 25 % des ventes de jouets. Pour nous, c’est un atout. Un petit détaillant accepte volontiers de référencer des petites boîtes de Meccano à 20 ou 30 euros, mais ne prendra pas le risque d’exposer notre plus grosse boîte, qui est encombrante et se vend 90 euros. Amazon, lui, vend aussi bien les grosses boîtes que les petites. De plus, les clients ne paient généralement pas les frais de port chez Amazon, alors que nos produits sont lourds et que ces frais sont élevés. Chez les distributeurs classiques, nous sommes confrontés à une autre difficulté. Lorsque les produits sont livrés en magasin, ils se voient attribuer un linéaire de vente proportionnel à la part de marché nationale du produit. Notre linéaire est donc beaucoup plus restreint que celui de Lego. Mais cette place se réduit encore au fil du temps car le distributeur laisse le soin aux fournisseurs de regarnir les rayons au fur et à mesure des ventes. Des sociétés comme Lego sont en mesure d’envoyer tous les matins des personnes assurer le réapprovisionnement. Au passage, elles empiètent sur nos propres emplacements, car de notre côté, nous n’avons pas suffisamment de personnel pour faire ce travail. Or, si nos produits ne sont pas vus, ils ne sont pas vendus… Chez Amazon, cette question ne se pose pas. Tous les produits sont mis en valeur.
En novembre 2012, nous avons commandé une étude de notoriété à la TNS Sofres. Celle-ci a montré qu’en France, 97 % des personnes interrogées reconnaissaient la marque ; en Angleterre, 90 % et aux États-Unis, 60 %. De plus, les valeurs associées sont très positives : les personnes interrogées considèrent que nos jouets développent les compétences des enfants et stimulent leur imagination. Nous éprouvons d’ailleurs un certain mal à empêcher que notre marque soit utilisée comme un nom commun sous la plume des journalistes, par exemple dans l’expression de « meccano industriel ». Nous ne pouvons pas leur faire des procès systématiquement, mais nous leur écrivons chaque fois, de façon à pouvoir montrer que nous avons cherché à défendre notre marque si jamais nous étions confrontés, un jour, à un vrai problème. Malheureusement, en dépit de cette très grande notoriété, notre entreprise ne parvient pas à retrouver la puissance qui a été la sienne par le passé. Nous produisons actuellement un million de boîtes par an en France, contre plus du double il y a quelques années.
J’avais joué au Meccano dans mon enfance et je me suis dit que l’on ne pouvait pas laisser cette marque disparaître. Ma motivation aurait sans doute été moins forte si j’avais su ce qui m’attendait. En tant que Nikko, nous n’étions pratiquement qu’une agence : toute la fabrication s’effectuait en Asie et nous recevions les produits directement livrés en containers. Je n’avais aucune idée de ce que signifiait diriger une usine de 150 ouvriers, en France. Heureusement, mon fils, qui revenait de Hong Kong, s’est totalement impliqué dans cette affaire… Cela a été une belle aventure, malgré toutes les difficultés. On est entrepreneur ou on ne l’est pas.
Je suis PDG et mon fils directeur général, mais c’est lui qui fait tout, et moi, je regarde ! Je m’occupe essentiellement des discussions avec les banquiers et avec les représentants de la région Nord- Pas-de-Calais. Je gère également l’activité de Nikko.